Je viens de recevoir, et de lire, la bande-dessinée The Thrilling Adventures of Lovelace and Babbage par Sydney Padua, ce qui m’a permit de redécouvrir le travail de Charles Babbage et de sa comparse Ada Lovelace, une bien-aimée de la communauté informatique puisqu’elle aurait écrit « le premier programme informatique » de l’histoire, plus d’un siècle avant l’invention de l’ordinateur… Tirons ça au clair !

La machine à différences

Un besoin fondamental des scientifiques, et des navigateurs, était de disposer de tables de nombres complètes et fiables qui représentaient les positions des étoiles. Ce sont en fait des calculs de trigonométries, qui se trouvent être approximées par des polynômes du deuxième degré (par exemple p(x) = 2x² – 3x + 2). Ces polynômes peuvent se calculer plus rapidement grâce à une technique dite de différence, très bien résumée ici. C’est ainsi que les tables ont été calculées pendant des décennies, à la main… A cause de leur grand nombre d’erreurs, elles n’étaient cependant pas satisfaisante. Une machine fiable qui permet de les calculer automatiquement était d’un grand secours ! Charles Babbage (1791-1871) a construit les plans pour une telle réalisation, et à même réunit des fonds royaux à cette fin.

Une machine différentielle en fonction au Computer History Museum à Mountain View (cette machine n’est plus visible là-bas, mais visible ailleurs notamment à Londres je crois). Elle a été construite bien après la mort de Babbage.

La machine analytique

Cependant, Babbage ne termina jamais sa machine à différences, car en chemin il a révélé le potentiel d’une machine beaucoup plus ambitieuse, et dirait-on aujourd’hui beaucoup plus générique. Car en effet, cette nouvelle machine, dite Machine analytique, ne se contentait pas de résoudre des polynômes, mais pouvait exécuter toute sorte d’opération, ordonnées par des instructions fournies par… des cartes perforées. Invention qui sera utilisée plus d’un siècle plus tard pour faire fonctionner les premiers ordinateurs. Car non… Babbage ne termina pas non plus sa machine analytique… faute de temps et faute de moyens, n’ayant pas convaincu avec sa première non-machine.

Babbage, en plus de définir les cartes perforées comme « programmes », définit aussi nombre d’éléments présents dans les ordinateurs du futur : périphérique d’entrée, stockage des données, unité de commande (microprocesseur), unité de calcul (une partie du microprocesseur) et périphérique de sortie (imprimante). Quand on sait qu’il est mort en 1871, soit plus de 50 ans avant la définition de la Machine universelle d’Alan Turing, cela laisse pantois.

Et Ada Lovelace dans tout ça ?

Ada Lovelace est l’une des filles du célébrissime poète Lord Byron. Étant donnés les troubles du paternel (qu’on diagnostica post-mortem comme un trouble bipolaire), l’on interdit la pratique de sa cause prétendue à ses filles : la poésie ! (ce qui ne l’empêcha pas d’être également bipolaire). Elle s’adonna à la science et aux mathématiques, ce qui reste acceptable tant qu’on n’en fait pas un métier apparemment… Et elle est incroyablement intéressée et douée. Elle rencontra Babbage, du même milieu qu’elle, et « s’associa » à lui pour travailler sur la machine analytique. Elle écrivit un seul document, qui est en fait une traduction d’un texte de Luigi Federico Manebrae concernant le travail de Babbage sur le calcul automatique (première publication informatique de l’histoire ? nous sommes en 1842). Sur la suggestion de Babbage, elle écrivit une deuxième édition à laquelle elle adjoint une série de notes explicatives. Ces notes, titrées de A à G représentent en vérité deux tiers de la publication. Dans ces notes elle se montre incroyablement visionnaire, et en particulier anticipe la possibilité à une machine de résoudre des problèmes à l’échelle symbolique, c’est à dire bien au-delà de problèmes purement numériques, comme l’envisageait Babbage.

On peut trouver ici le papier de Menabrea, traduit (en anglais) par Lovelace, avec ses notes. La note G prend pour exemple le calcul des nombres de Bernouilli. Ce qu’on pourrait appeler le premier programme se résume à ce tableau.

Conclusion

The Thrilling Adventures of Lovelace and Babbage est sans doute le meilleur moyen de découvrir les machines de Babbage et le travail d’Ada Lovelace. La lecture est assez fastidieuse car parsemées de très nombreuses notes de bas de page, notes de fin de chapitre, illustrations en tout genre (autre que les historiettes en BD) et annexes. Mais c’est aussi un hommage aux carnets que nous ont laissé Babbage et Lovelace, un entremêlement d’idées en tout genre, des mathématiques les plus abstraites aux engrenages des plus concrets. L’auteur a fait de nombreuses recherches et apporte des éclairages bienvenus pour ce qui reste une vulgarisation scientifique originale et ludique du travail absolument fascinant de Babbage et Lovelace.

Vous pouvez également aimer :

2 commentaires

  1. […] En revanche, génie manqué serait peut-être le terme approprié pour évoquer Charles Babbage. Il a pourtant énoncé le premier le concept d’ordinateur, alors que nous sommes dans une Angleterre de… (accrochez-vous) 1834 ! Soit un siècle avant la machine de Turing. Il a passé sa vie à en construire un prototype, sans y parvenir. C’est cette incroyable histoire que raconte The Thrilling Adventures of Lovelace and Babbage, The (Mostly) True Story of the First Computer (Sydney Padua, 2015) et dont j’ai déjà parlé sur mon blog. […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

%d blogueurs aiment cette page :