J’ai eu l’opportunité de participer à une master class au conservatoire de Toulon mercredi dernier. La master class est un cours qui se caractérise par deux points :

  1. il est donné par une autre personne que son professeur habituel (en général un concertiste, un pédagogue renommé), ici le pianiste Wilhem Latchoumia
  2. il est public

L’élève amène un ou plusieurs morceaux aboutis, prêts ou presque à être joués en public, voir déjà joué en public, pour en recevoir les conseils du maître.

Trois danses argentines

C’était pour moi l’occasion de jouer les Trois danses argentines du compositeur argentin Alberto Ginastera, une œuvre pour piano singulière que j’ai connue, et qui je crois a été rendue connue, par sa compatriote Marta Argerich dans l’enregistrement célèbre de son récital de 1979. Voir la vidéo ci-dessous, les trois danses sont dans trois vidéos distinctes :

Depuis, les trois danses sont plus fréquemment jouées, notamment car elles créent un effet formidable par sa troisième danse extrêmement rapide et festive (sur la partition on y trouve les mot violente, furioso et selvaggio par exemple). La version plus récente de Juan Floristán est excellente également, et très bien filmée.

Ces danses qui respectent une traditionnelle alternance vif-lent-vif sont en fait très inégales. Toutes trois à 6/8 (6 croches par mesure, rythme ternaire), elles sont néanmoins disproportionnées (81 mesures, 82 mesures, … 232 mesures) et de style très différent : sec, rubato, rythmique. On y retrouve néanmoins le style déjà marqué de Ginastera, bien qu’il ne s’agisse que de son deuxième opus : la répétition des motifs, une inspiration folklorique, un esprit diaboliquement festif, la polytonalité. Il est notamment célèbre pour son incroyable ballet Estancia, qui reprend ces caractéristiques.

Les trois danses s’intitulent :

  1. Danza del viejo boyero (Danse du vieux vacher)
  2. Danza de la moza donosa (Danse de la jolie paysanne)
  3. Danza del gaucho matero (Dans du gaucho malin)

Dans l’excellente édition dont je dispose (Boosey & Hawkes 2016), la riche introduction de Gérald Hugon cite l’auteur :

Quand je composais mes Danzas argentinas pour piano en 1937, l’influence de Bartók était présente. Mon « folklore imaginaire » commence là, avec l’harmonisation polytonale, avec ses rythmes puissants et marqués – la « surexcitation fiévreuse bartokienne » – tout cela dans une écriture pianistique où l’esprit de la musique nationale est recréé.

Alberto Ginastera, « Homage to Béla Bartók », Tempo, n° 136, mars 1981, p 4.

Wilhem Latchoumia

Le pianiste Wilhem Latchoumia s’est fait une spécialité de la musique des amériques, et a joué et enregistré les Trois danses argentines de Ginastera en 2008 chez Sony dans un album intitulé Impressões.

Il a toujours consacré du temps à cette musique et à la musique du XXè et XXIè siècle, tel qu’en témoigne sa discographie. Ses deux derniers albums, Do Brasil et This is America (en duo avec la pianiste Vanessa Wagner) en témoignent.

Le disque Impressões enregistré en 2008 chez Sony.

Concevoir des programmes sortant des sentiers battus, telle est la signature du musicien français, qui marque les esprits par sa capacité à instaurer d’emblée une jubilatoire connivence avec le public.

https://www.wilhemlatchoumia.fr/biographie

Les deux derniers albums de Wilhem Latchoumia

A côté du maître

Bien sûr, jouer devant un tel pianiste est très instructif (et intimidant). Son expérience transparait à chaque remarque. Les mouvements lents sont toujours difficiles à appréhender, et il partage quelques éléments utiles comme par exemple des doigtés plus appropriés, une gestuelle plus en phase avec l’intention du compositeur.

C’est l’occasion de revoir (ou découvrir) les possibilités de l’articulation du pouce, un doigt souvent négligé ; d’appréhender plusieurs articulations possibles entre les mains, mais aussi d’une même main lorsque les voix se séparent ; d’amorcer la pièce, donnant le ton dès les toutes premières notes.

Un point intéressant est d’observer les similitudes avec mes cours habituels, les remarques qui reviennent et qui sont des défauts immédiats ; mais aussi des remarques qui sortent d’un cadre et qui sont le résultat d’une pensée concertiste. Et dans ce cas précis, une approche de la musique du XXè siècle et d’une musique américaine.

Moi en master class avec Wilhem Latchoumia

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