Impossible de passer à côté, le télétravail est devenu omniprésent en ces temps de confinement, ce qui m’amène à partager quelques remarques, en tant que fervent adepte et télétravailleur à temps plein depuis 2 ans. Je suis moi même intervenu pour témoigner dans mon entreprise, ce qui a donné lieu à deux articles que j’ai partagé sur Medium, en anglais, ici et ici.

Le télétravail a été recommandé dans tous les cas possibles par le président lui-même, ce qui n’est pas contradictoire à l’assouplissement de cette pratique qu’il avait fait passer par ordonnance dans une loi en septembre 2017.

Un mode de travail flexible

La soudaineté du télétravail met en avant son extrême flexibilité. Du jour au lendemain des entreprises de plusieurs centaines ou milliers de travailleurs ont pu s’y mettre. Cette situation nécessite un préalable : des métiers informatisés, un ordinateur portable… et Internet à la maison. Dans ce contexte-là le constat est sans appel, aussi radical que fut la situation, le télétravail s’est mis en place très rapidement. Les outils pour s’appeler, se voir et se parler à distance sont monnaie courante (y compris dans la vie personnelle), simple d’usage et gratuits. De fait, dans les entreprises, une grande partie du travail est déjà « distant », même si tous ses participants sont réunis au même endroit.

Cette flexibilité a une grande conséquence sur des millions d’emplois dans la situation actuelle : ils sont maintenus, tout simplement, et sans risque de contamination.

Une véritable organisation du travail

Qu’il n’y ait qu’un seul télétravailleur dans l’équipe, ou que tout le monde le soit, l’organisation du travail en est forcément impacté. Il faut donc toujours l’accompagner et être attentif à la satisfaction des parties prenantes ainsi que des résultats. Les premiers impacts concernent en général la communication et l’interaction, le suivi du travail, les horaires, la sécurité des données puis viennent les sujets de la motivation, l’isolement, la santé, l’innovation dans l’entreprise… A lire cette liste, on comprend que le télétravail n’est pas juste un détail, même s’il peut se mettre en place du jour au lendemain.

La loi que j’ai cité ci-dessus impose l’aspect volontaire du télétravail, ce qui échappe à la situation actuelle. C’est justement qu’il est contraignant pour l’organisation du travail et peut entraîner des conséquences inattendues tant sur le plan professionnel que personnel.

En télétravail, on peut faire beaucoup, mais rien n’est pareil.

Un exemple concret : les interruptions et les réunions. Un des premiers aspects du télétravail est d’avoir des longues plages sans interruptions, par exemple des personnes qui viennent nous parler ou des bruits de fond. Mais à y réfléchir, les messageries instantanées (comme Slack), sont des lieux beaucoup plus propices aux interruptions. Les couper est impossible, et presque une faute professionnelle, tout comme les ignorer. Pour les appels, c’est la même chose : vendredi dernier, ma journée s’est égrenée de huit appels. Si parler à une dizaine de personne dans une entreprise est tout à fait banal (selon le poste et la taille de l’entreprise), le faire à distance est d’un tout autre ordre en terme d’effort et d’organisation. Par ailleurs, elle peut empiéter sur les plates-bandes de la vie privée si votre boss vous colle un appel à 12h30, pile quand vous sortez le gratin du four. En télétravail, on peut faire beaucoup, mais rien n’est pareil.

Après le Covid ?

La France a toujours été en léger retard au regard du télétravail par rapport à ses voisins européens. La meilleure explication à ce jour est la culture du présentéisme dans notre pays, qui valorise les efforts visibles et associés à notre présence. Les grèves de décembre 2019 et, donc, la pandémie du Covid-19 étaient peut-être ce qu’il fallait pour booster la pratique dans notre pays.

Cependant il en faudra plus pour démocratiser et légitimer la pratique, car justement il s’agit d’un changement de culture. Deux événements majeurs, l’un particulièrement inconfortable, l’autre carrément anxiogène, sont-ils ce qu’il fallait aux entreprises françaises pour les convaincre du télétravail ? Au contraire, ne s’imposera-t-il pas comme une mesure d’urgence, à user en cas de force majeure ?

Le choix des décideurs et la spécificité de chacune des situations répondront à la question. Voici quelques pistes de réflexion :

  • Le télétravail n’est pas plébiscité par tous, y compris ceux qui en sont « éligibles ». Beaucoup en fait ont besoin de leur bain social quotidien, et ont un fonctionnement hyper relationnel même si leur métier ne le nécessite pas. Pour eux, travailler tout seul à la maison peut être un enfer.
  • Le télétravail tel qu’appliqué en cas d’urgence n’intègre pas les changements d’organisation nécessaire. Typiquement, on cherche à reproduire en virtuel ce qui se passait en physique. Dans la plupart des cas, ça ne marche pas, ou alors pas longtemps…
  • Les sceptiques, en revanche, ont pu essayer le télétravail « de force » et seront peut-être rassurés : le travail avance quand même (voire mieux !) et on n’a pas l’impression que les collègues passent leur temps à ne rien faire. Un dialogue plus mature pourra alors s’établir dans les entreprise jusque là frileuses.
  • Le télétravail est un mode de travail complexe et flexible. Les meilleures solutions mettent l’individu en avant (y compris sa « vie personnelle ») et sont en général hybrides. Elles alternent des temps de télétravail avec des temps en entreprise.

Je m’attends à beaucoup de positif, et je suis très enthousiaste à voir autant de nouveaux adeptes et testeurs du télétravail. J’émets cependant des réserves sur une adoption automatique à l’issu de ce confinement.

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6 commentaires

  1. Un des travers, pointé dans ce sondage d’ailleurs (https://www.leprogres.fr/magazine-lifestyle/2020/03/30/teletravail-ils-regrettent-deja-leur-bureau-et-estiment-travailler-plus), est que cela demande un poste de travail si possible dissocié de son espace personnel. Sans cela, la frontière pro/perso s’atténue et beaucoup ont l’impression de travailler beaucoup plus. C’est sûrement vrai, et aussi, à nombre d’heures équivalentes, je pense que le fait de travailler plus efficacement, sans interruptions, est plus fatiguant, on est plus concentré en continu 🙂 J’entends quand même pas mal autour de moi de gens se dire que télétravailler une journée par semaine après la crise leur plairait. Cela va sûrement lever des réticences dans les entreprises.

    1. Oui tu as raison, c’est un retour qui revient souvent. Se créer une bonne et saine frontière est important ! Personnellement ça n’a jamais été un problème, j’ai toujours réussi à créer des vraies ruptures dans ma journée. Mais maintenant que j’ai un bureau séparé c’est beaucoup plus confortable 🙂

  2. Ayant l’habitude de télétravailler, je trouve la version « confinée avec les enfants » éreintante. Il est difficile de décrocher du travail pour s’occuper des enfants (l’esprit reste préoccupé un moment), il est difficile de travailler efficacement quand on enchaîne des petits créneaux de 2h en alternance avec le conjoint, et au final les heures de travail sont réduites à un mi-temps. En revanche c’est intéressant de voir qu’on peut vivre et travailler en famille. Ça peut ouvrir des perspectives, dans un contexte où on n’a pas besoin de travailler 8h par jour. En tout cas en île de France je ne nous vois pas retourner nous entasser dans les transports en commun de si tôt, même avec des masques… J’ai l’impression qu’on va bien plus télétravailler après cette crise…

    1. Je vous le souhaite alors 🙂 je trouve que c’est une manière beaucoup plus « intelligente » de travailler au final. Quand c’est bien fait, c’est du gagnant-gagnant-gagnant (entreprise-employés-famille proche).

  3. Mon métier et ma personnalité font que je ne peux travailler sans bain social. Le télétravail occasionnel me va quand il s’agit de bosser sur un projet. Et même là je ne travaille pas de chez moi, mais d’un café. J’ai besoin de monde autour de moi. Et, comme beaucoup en ce moment, télétravailler avec un jeune enfant est mission impossible sans empiéter sur les soirées. Et la journée avec un enfant n’est pas du repos, ni un loisir…

    1. Oui, je n’ai pas parlé des enfants, mais c’est incompatible. On parle vraiment d’une mesure d’urgence là… j’espère que ton entreprise est compréhensive, et je te souhaite beaucoup de courage !

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