Je suis parti à l’aube. Réveil à 5h45 et départ à 6h. J’ai simplement fait quelques mètres pour rejoindre la boulangerie et profiter d’un « ravitaillement » matinal. Cette escale était fort plaisante. Pourtant, les quelques commerces espacés de centaines de mètres ne forment pas un village. Ils sont des escales conçues pour les voitures. Moderne et chaleureuse. Là où les voitures vont, je peux y aller !
Ce sont toujours aux heures du matin que j’apprécie le plus de rouler en voyage. Les paysages s’éveillent doucement et sortent de l’engourdissement de la nuit. Un épais nuage couvre la region ce matin, ce qui emplifie la paresse de l’aube.
Les montagnes se dévoilent et au fur et à mesure que je grimpe, elles s’alignent en une couche successive de crêtes de moins en moins nettes, jusqu’à l’estampe. En plus des reliefs, le ciel s’offre également en spectacle en se colorant rouge, or puis d’une blancheur immaculée au gré des heures. Point ma volonté de le voir se dégager : le soleil voilé, en cette matinée sans vent et sans pluie, procure les conditions idéales pour rouler.
En passant Saint-Auban, dont la route contourne le centre-ville, je découvre ma première merveille du jour. Une route taillée dans la pierre avec tunels et gorges très profondes. Il s’agit des gorges de l’Esteron de Saint-Auban. Elles me prennent par surprise car je ne les avais pas identifiées sur la carte et ouvrent ma journée qui sera riche de surprises. C’est à ce titre sans doute l’une de mes plus belles sorties vélo de tous les temps.
S’ensuit une montée dans les pins et des clairières splendides jusqu’à rejoindre, par la rive opposée du Var, la ville d’Entrevaux. C’est la meilleure vue qu’on puisse avoir de cette ville partiellement conçue par Vauban dont une statue témoigne l’œuvre. Et de cette descente en lacets on a le temps de l’apprécier. Il se trouve qu’il y a aussi une boulangerie. Comme mon précédent petit-déjeuner date de deux heures trente, j’estime qu’il y a prescription.
Cette journée s’avère plus tranquille que la précédente car je prevois moins de kilomètres, que le climat est plus favorable et qu’au total j’aurai plus descendu que monté, sur une durée moindre. Je prends donc mes aises et enfourche tranquillement pour prendre la route principale et poursuivre un peu plus vers l’est. Elle est très roulante, en long plat descendant, et très fréquentée. Il est déjà plus de neuf heures. Un convoi exceptionnel me double : c’est un poids lourd qui porte un poids lourd…
Comme tous les cyclistes je n’aime pas les routes trop fréquentées. Alors je bifurque sur la D28 pour rouler vers Beuil ou Pierlas, je ne suis pas décidé. C’est mon itinéraire de choix, mais il a beaucoup été en concurrence avec la grande route, notamment car il rajoute 1100m de dénivelé positif… Mais ma bonne allure jusque là et le trafic ont confirmé ce choix. La D28 est d’ailleurs fort empruntée et je choisirai de suivre Pierlas pour cette raison.
À Touët je profite pour faire remplir ma gourde par un producteur local. Bien m’en a pris. Le début de la montée vers Beuil est très belle, ce sont des gorges luxuriantes au fond desquelles coule le maigre Cians, à peine visible. Les gorges rougeâtres et plus haut très rocailleuses occupent les yeux alors que les jambes ont à faire.
La montée qui s’ensuit vers Pierlas est un veritable calvaire. La route est raide, longue et desormais exposée au soleil. Maigre consolation, il n’y a pas une seule voiture. Pierlas est un village mignon, vraiment petit et apparemment peu habité. La route de l’autre côté est également longue, ce qui fait de ce village un village particulièrement reclus. Par erreur je suis entré dedans, ce qui m’a rajouté du dénivelé positif… Une vieille dame entretenait ses fleurs. Un groupe discutait à une terrasse… Pour moi la montée continue jusqu’à une chappelle Cappeletta Votiva que je n’ai pas vu. Arrivé au sommet exténué je n’ai pas joué à Indiana Jones et j’ai renfourché vite fait pour une descente du tonerre où le paysage de toute splendeur était le plus grand danger. Les yeux sur la route ! Je double une voiture bloquée par des chevaux, pour moi ça passait.
Demain c’est LA grosse difficulté pour moi, avec la montée du col de la Lombarde, ou autrement dit la route de Isola 2000. J’appréhende un peu. C’est aussi ma dernière portion française après quoi je plonge en Italie. Une belle étape en perspective.
Superbe 🙂