L’Institut Goethe accueille régulièrement des jeunes musiciens classique à se produire dans leur auditorium dans un esprit convivial et chaleureux. Erin Hales y fut ma dernière découverte, puisqu’elle s’y produisit, pour la première fois en France, le 12 janvier dernier, dans un programme exclusivement consacré à Bach, et plus précisément au clavier bien tempéré dans une sélection de préludes et fugues. Ce monument pianistique (en fait, écrit pour le clavecin initialement) est l’objet de son premier CD, paru sous Academy Production et soutenu par Artalinna.
Le programme n’est pas pour me déplaire, d’autant qu’il est révélateur à plusieurs titres de la personnalité d’un interprète : le choix des préludes & fugues, leur ordre d’exécution et en premier lieu l’interprétation qui, plus qu’ailleurs, est soumis à des choix personnels inévitables. Car si le compositeur a laissé peu d’indications sur la partition, il revient au pianiste de prendre des risques, a fortiori quand l’instrument lui donne une palette distincte que ce qu’avait le compositeur à sa disposition.
Il faut peu de temps pour déceler la véritable vision de la pianiste. Sous le signe de la joie et du partage, elle s’engage pleinement dans cette musique faussement austère pour la faire éclater au grand jour. Dans un souffle infaillible elle dévoile cette oeuvre, sans rompre avec le style baroque indéniable. Au-delà de sa compréhension fine, Erin Hales l’orne et l’agrémente de cadences personnelles qui enrichissent un édifice que l’on croyait d’une intouchable perfection.
C’est là sa force. Combiner une vision analytique de l’oeuvre de Bach à une interprétation vivante. Plonger dans les ténèbres du contrepoint pour le servir sous une lumière solaire.
Le récital confirme l’enregistrement (de sonorités pourtant fort éloignées). Erin Hales est bien plus qu’une pianiste, elle est une passeuse. Une passeuse de musique, de style, d’histoire et de lumière.