J’ai eu l’occasion de visiter hier le Musée du Domaine royal de Marly, dans la ville de Marly-le-Roi. Ce grand domaine abritait un château, résidence secondaire de Louis XIV, utilisé notamment pour des parties de chasse à courre. Le roi lui-même s’y est rendu plus de 300 fois, et si le château a désormais disparu, le grand domaine a servi de résidence de chasse des rois… et présidents, jusqu’en 2006. Mais ce qui m’intéresse ici, c’est la surprenante machine de Marly, construite sur les bords de la Seine en 1682 (maintenant Bougival) pour pomper son eau vers le château de Marly ainsi que, via des canaux, vers le château de Versailles.

Cette machine immense qui frappe d’étonnement tous ceux qui la voient, par l’énormité de sa construction, est une grane chose qui fera toujours un honneur infini à son Inventeur, malgré ses défauts.

Denis Diderot, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751

Machine immense s’il en est puisqu’elle se compose de 14 grandes roues à aube qui sont entraînées par le courant de la Seine. Elles acheminent l’eau 150 mètres plus haut sur une distance de 700 mètres. La dénivellation est la cause de ce gigantisme car s’il existait de telles machines contemporaines de pompage par énergie hydraulique, aucune n’égalait alors ces distances.

En fait l’inventeur Arnord de Ville, du pays de Liège, avait mis au point une telle machine à Saint-Maur, qui servit de modèle à celle de Marly.

Les roues entraînent des pistons refoulants qui n’auraient pu supporter d’acheminer l’eau d’un coup, c’est pourquoi des puisards intermédiaires ont été construits, à 48 mètres et 99 mètres au-dessus du niveau de la rivière. Ces puisards étaient équipés de pistons, actionnés par des tringles en fers maintenues par des balanciers.

Gros plan de maquette sur les pistons du puisard.

La citation de Diderot évoque des « défauts ». J’en compte trois.

Premièrement, le bruit. La machine faisait un bruit terrifiant. Si on ne connaît pas son intensité, faute de mesures scientifiques, on le retrouve dans beaucoup de sources écrites, et même par références architecturales ou des bâtiments n’offraient pas d’ouvertures du côté de l’origine du bruit…

Deuxièmement, la maintenance. La machine nécessitait un entretien phénoménal, par la complexité du mechanisme, le fait qu’il soit en permanent mouvement, et en bois, soumis aux agressions environnementales, dont l’eau de la Seine. Plus d’une soixantaine d’ouvriers assuraient jour et nuit son fonctionnement et entretien. Il y avait des charpentiers, des menuisiers, des plombiers ou de simples poseurs de tuyaux, des forgerons mais également des gardes.

Enfin, le rendement n’était pas au rendez-vous. Conçue pour pomper 6000 m³ d’eau par jour, elle n’atteindra que 5000 m³ au meilleur de son entretien, c’est-à-dire au début. Le rendement ne fit que décroître ensuite, au point de devoir trouver d’autres sources d’eau pour alimenter Versailles. La machine se dédiera au seul château de Marly et subira de profondes améliorations (charbon, gaz, diesel, électricité) au cours de ses 133 années d’activité.

La Machine de Marly par Sisley en 1873 avec vue sur le bâtiment Napoléon III construit pour abriter la machine de Dufrayer (successeur de la première machine)
Reconstitution d’Auguste-Alexandre Guillaumot, dessinateur. Il se consacre à partir de 1857 au château de Marly allant jusqu’à s’y installer et contribuer aux fouilles archéologiques
Une perspective du parc du château de Marly aujourd’hui. Le château n’existe plus.

Le Musée du Domaine royal de Marly est une véritable plongée dans la vie de Louis XIV, et vaut la visite pour sa très belle sélection et mise en avant d’artefacts en tout genre : magnifiques aquarelles de Guillaumot, plans, splendides maquettes, sculptures et tableaux. Il témoignent d’une partie de cette vie de château souvent idéalisée, pleines de ses mystères et de ses affres, de ses bassesses et ses grandiloquences, la gigantesque machine de Marly parmi d’autres.

Sources et liens intéressants

Si vous avez aimé mon article sur la machine de Marly, vous aimerez peut-être celle sur la machine de Babbage !

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