Dès les premières notes quelque chose n’allait pas. Je ne parle pas du fait que ces notes de musiques ne correspondaient pas au programme puisqu’il s’agissait d’une improvisation, mais à la projection du son qui, en plus de venir de la scène, sort également de deux grandes enceintes face au public. Le piano est sonorisé, bien entendu pour pallier au manque d’acoustique de cette scène en plein air. C’est une grande déception. La création d’un son au piano acoustique ne mérite jamais qu’on l’amplifie, et encore moins pour un concert de musique classique, au piano solo. Cette contrainte m’a empêché de me laisser porter par cette première partie de programme : Albéniz, Debussy, Scarlatti, Ravel. Le choix des trois sonates de Scarlatti est incroyable, mais manque un peu de variété et je crois d’investissement (à moins que ce soit le son).

A l’entracte je me posais avec détermination la question de rester ou de partir. Je reste. C’est un pari, je crois que la deuxième partie sera meilleure. Et à vrai dire, je suis trop curieux d’écouter la composition de Lucas Debargue.

Le début de la seconde partie n’est pas prometteur. Il prend la parole au micro pour dire qu’il a enregistré l’intégrale de Fauré non par programme, mais parce que tous les morceaux l’ont passionné. La sélection des pièces qu’il donne a entendre a le mérite d’être original, mais aucune vraiment ne m’a emporté dans le monde un peu mystérieux de Fauré. Vient enfin sa composition, qu’il présente succinctement comme sa première composition d’envergure, “épouvantablement difficile à jouer dans son dernier mouvement”. Il puise l’inspiration dans des vieilles danses, ces quelques mots comme “Sarabande”, “Menuet”, “Gigue” qui nous ont offert des siècles de merveilleuse musique. Il y met “tout ce qu’il aime dans la musique”, du baroque au jazz, et un peu de tout ce qu’il y a entre les deux.

pochette disque Debargue Scarlatti
Très belle pochette du coffret de disques de Lucas Debargue d’une sélection de 52 sonates de Scarlatti

J’ai beaucoup aimé cette composition. Les deux premiers mouvements se répètent un peu, et se déroulent avec peu d’inattendu (ils sont résolument inspirés du baroque). Le “Menuet guerrier” est inventif et bien mené, et la gigue, dans un contrepoint audacieux, est un vrai bonheur. Elle m’a d’ailleurs paru un peu courte, j’en aurai bien pris plus ! Pour terminer, il a donné une improvisation qui s’est terminé en un jazz entraînant. Un vrai succès. Le piano déployé par Debargue dans cette deuxième partie était sans commune mesure avec la première, et à été un peu au-delà du problème de sonorisation du piano.

On ne peut pas dire que j’ai apprécié le concert. J’en veux beaucoup bien sûr à l’installation du piano amplifié, qui ne corrige pas le problème initial, mais en créé un plus grave. J’en veux aussi à la qualité du jeu de Debargue qui a vraiment pris du temps à se déployer. Je l’ai entendu par ailleurs (dans Gaspard de la Nuit de Ravel à la Philharmonie de Paris, c’était sensationnel). Ses choix de pièces révèlent une vraie curiosité et diversité, mais ne constitue pas un parcours qui m’a paru intéressant ce soir. Pour autant, une fois sorti du concert, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’assister à un spectacle avec de l’improvisation, du jazz, du classique, de la composition et des explications parlées représente une expérience entière, et rare.

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