Je profite d’un instant de disponibilité pour vous partager quelques coups de cœurs de ces dernières semaines. D’abord côté cinéma, avec l’étonnant dernier film de Werner Herzog, Au cœur des volcans, Réquiem pour Katia et Maurice Krafft.

Étonnant d’abord parce que c’est un documentaire avec images d’archives, mais uniquement des images d’archives. Quand le cinéaste légendaire Werner Herzog est tombé sur les archives colossales de Maurice et Katia Krafft, 200 heures de rush, il n’a pas pu s’empêcher d’en faire un film. D’abord parce que, comme il le dit dans cette interview de France Culture, ces images sont exceptionnelles. Non pas seulement par leur sujet grandiose — peu de personnes filment des volcans de près, après tout, surtout dans les années 1980 –, mais par leur pouvoir visuel. Werner Herzog le dit : les Krafft étaient des cinéastes. Et d’ailleurs, comme on le découvre dans le film, leurs ambitions initiales de « filmer la science » se sont peu à peu transformées en « produire des images d’exception ».
Maurice et Katia Krafft sont morts lors de l’une de leurs missions. Cet événement devient le fil rouge du film, il est dramatisé comme le sait si bien faire Herzog, de sa voix monotone à l’accent allemand sur des images presque morbides quelques secondes avant leur mort. Cette dramatisation rend le film particulièrement triste et touchant, mais surtout surclasse le documentaire en objet inclassable, à part dans la rubrique des documentaires de Herzog.
A vrai dire, Au cœur des volcans est dans le style en tout point semblable au film Grizzly Man qu’il a réalisé en 2005 : uniquement des images d’archives, un personnage réel qui meurt tragiquement, un parcours exceptionnel (à sa manière), et son commentaire cru et concis. J’ai été beaucoup plus impressionné par la dramaturgie de Grizzly Man, mais néanmoins séduit par Au cœur des volcans, notamment parce que, contrairement aux autres documentaires que j’ai vu de lui, la musique prend une place prépondérante. Les choix musicaux peuvent ne pas plaire, mais la narration musicale est remarquable. Elle nous laisse dans un état de sidération voire d’extase face à ces images de lave qui coule et de paysages extra-terrestres ; comme livrés à nous-même face à la puissance tellurique de notre planète, dont nous découvrons soudainement son indescriptible beauté. Au cœur des volcans est véritablement un film musical.
Regardez la bande annonce ici :
- La fiche du film sur IMDB et AlloCiné
- L’interview sur France Culture
- La page wikipedia française
- Un extrait plus long (mon passage préféré), sur la musique du Requiem de Fauré
Mes autres aventures cinématographiques m’ont emmené dans des horizons très variés avec Anora (très très déçu) ; The Right Stuff, en français L’étoffe des héros un film de référence sur la conquête spatiale américaine (excellent) ; The French Connection avec Gene Hackman en flic tenace, The Brutalist, magnifique mais tellement sombre, oscarisé notamment pour la musique de Daniel Blumberg ; et Lucky Bashkar dans des magouilles indiennes dans un Bombay moderne et vibrant (impressionné par les images de studios, supers acteurs et scénario).
Beatrice Rana joue Bach
Dans le registre musical cette fois, j’aimerais vous parler de la dernière sortie de la pianiste italienne Beatrice Rana dans la musique de Bach.

Beatrice Rana et Bach, ce n’est pas une histoire récente. Malgré le jeune âge de cette pianiste, elle n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle a sorti en 2017 un enregistrement remarqué des variations Goldberg. Les (jeunes) pianistes à aborder Bach ne sont pas vraiment légion, et entendre des pianistes d’exception s’y adonner est toujours digne d’intérêt.
Les concertos de Bach par Beatrice Rana et l’Amsterdam Sinfonietta sont particulièrement vigoureux et nous entraîne dans un Bach charnel plus que méditatif. L’orchestre (dirigé par la pianiste) est d’un effectif restreint et particulièrement vif et réactif malgré certains tempi plutôt rapides qu’elle impose. On redécouvre peut-être un Bach vivant, voire festif, plutôt que celle d’un sage vénéré.
Je ne remercierai jamais assez Warner Classics de mettre en ligne des vidéos de qualité, de ces enregistrements en studio, comme une sorte de clip classique. On y voit un travail particulièrement abouti, et la « direction » très minimaliste de la pianiste. La relation avec les autres musiciens est symbiotique, et le plaisir partagé.
- Autre vidéo du même disque dans le concerto en ré mineur
- Beatrice Rana chez Warner
- Interview de Beatrice Rana lors d’un concert dédié à Ravel, sur France Musique
Mes autres écoutes musicales ont porté sur l’énorme (et excellent) coffret symphonique de Chostakovitch, la bande originale du film The Brutalist par Daniel Blumberg dont j’ai parlé plus haut, Khatchatourian par Jean-Yves Thibaudet, et la découverte de Iberia d’Albeniz joué par Gutavo Jerez Dias (dont on peut voir une interprétation remarquable de Triana ici sur Youtube).