Ce matin la route est un long ruban plat qui relie en lignes droites les villages les uns au autres. Il fait jour tôt mais la fraîcheur est agréablement printanière. Un soleil rasant émerge d’une couche de nuages bas au loin et projette ma silhouette vers les Alpes qui ne me quitteront pas de la journée.
Aujourd’hui c’est tout plat ! La frontière entre l’Italie et la France englobe le gros des Alpes, et surtout tous les pré-Alpes, du côté de la France. Côté italien, une fois descendu le col de la Lombarde, c’est vraiment tout plat. Les paysages sont verts et le contraste du relief me rappelle la Slovénie où il est rare de ne pas voir les montagnes au loin tout en restant dans la plaine.
Les voitures ici sont moins sympa qu’en France… ils doublent vite, ne me laissent pas passer dans les ronds-points et s’engagent juste à temps alors que j’arrive en priorité, et parfois assez vite. Mention spéciale à un semi-remorque en deux partie qui me double alors que des voitures arrivent en face ainsi qu’un énorme tracteur avec une remorque qui fait de même. Les italiens doublent en face alors que j’occupe une partie de ma voie. Après tout, « ça passe ». Je ne vois jamais ça en France où je constate que les règles de partage assénées depuis longtemps fonctionnent. Ces désagrément n’étaient pas nombreux, car j’ai pris des routes secondaires. Par contre l’asphalte est souvent de mauvaise qualité et me force à rouler soit au milieu de ma voie soit sur la ligne blanche le plus à droite possible.
Couché sur mes prolongateurs je jubile d’une étape enfin facile. Il y a quelques semaines, une sortie de 90km aurait présenté un gros effort, là c’est carrément un jour de repos !
Je vois quelques cyclistes. Mais à par deux cyclistes sportifs, ce sont pour la plupart des travailleurs immigrés qui relient un village à l’autre, sur des vélos un peu pourris. Du moins c’est ma déduction. D’autres attendent le bus. Les villages sont nombreux et rapprochés. Après des lignes droite de 10km je lève la tête et observe la vie du village. Ici à Saluzzo un marché s’installe. Je prends mon petit dej dans une pasticceria sous les arcades. Saluzzo, ou Saluces en français, est une ville médiévale toujours dans la province de Coni dans le Piémont.
On trouvera sans doute que toutes ces villes et ces villages ne présentent guère d’intérêt. Moi, je suis toujours très enthousiaste à explorer le moindre recoin à l’étranger, quitte à ce que ce soit d’une grande banalité pour des locaux. Dans le petit café, le personnel s’agite et les discussions du quotidien occupent les clients… mais tout est en italien. J’ai carrément l’impression d’être dans un film de Benigni. Et aussi les croissants sont fourrés à la confiture. Les differences des panneaux, marquages au sol, noms de villes… on trouve de quoi se dépayser. Je ne suis pas difficile.
De plus en plus de longues lignes droites convergent vers la capitale de la région. Pour l’orientation c’est facile ! Je tombe aussi sur une ancienne voie ferrée réaménagée en piste cyclable que je prends sur une vingtaine de kilomètres. C’est la Via Risorgive, ouverte en 2011.
Forcément l’arrivée à Turin est spéciale pour moi depuis le temps que j’en parle ! Cependant, l’entrée dans la ville est affreuse… une trois voix sur un pont d’autoroute. Genre Porte d’Orléans à Paris. Et ensuite une longue avenue de 5km avec des contrallées (heureusement) aux routes défoncées et surtout des feux rouges permanents… j’espérais mieux ! J’arrive à la gare Porta Nuova et j’arrête mon chrono, mission accomplie !
Le soleil se lève et commence à bien chauffer. Je traverse le centre ville mais le cœur n’y est pas. Après tant de paysages traversés, les hordes de touristes dans des avenues impersonelles ne m’intéressent pas. Cuneo était d’une taille plus à ma convenance. Je quitte le centre pour rejoindre une auberge et commence à déceler des quartiers plein de vie, un marché par ici, un parc par là, le tout dans un quadrillage de rues arborées et donc ombragées. L’architecture est variée et je finis par trouver mon compte. J’irai explorer mon quartier plus tard. L’auberge a une place pour moi avec même du fil à linge et des pinces, ce qui rend ma routine plus facile. Quel luxe.
J’ai finalemenr décidé de continuer ! Milan est à 150km d’ici, sur du plat. Avec un bon repos et de bonnes conditions je peux la relier en une journée. Sinon, bien m’en rapprocher. Le périple continue !
C’est aussi un de mes trucs préférés en voyage à vélo : s’arrêter dans les lieux de vie, typiquement les bar PMU ou les auberges-épiceries de petits villages et juste prendre le temps de se fondre dans la vie locale (bon, quand t’es en cycliste flashy t’es vite repéré !).
Oui, paradoxalement je n’ai pas vu beaucoup de curieux. Juste un vieux monsieur qui m’a tchatché à un feu rouge à Turin. J’ai pas compris… mais il a mentionné des noms de cols connus en France alors j’en ai déduit qu’il avait roulé dans sa jeunesse, ou alors qu’il regarde le Tour de France !