En ce moment se déroule le concours international pour piano de Van Cliburn. C’est un moment important dans le microcosme du piano, puisqu’il a le pouvoir de propulser sur la scène internationale, et sur les réseaux, le ou la prochaine star du piano classique. C’est un peu le cas de tous les grands concours de piano, comme ceux, plus historiques, de Chopin à Varsovie, Tchaïkovski à Moscou et de la Reine Elisabeth à Bruxelles. Ce dernier vient de se terminer, en consacrant le néerlandais Nikola Meeuwsen pour le premier prix.

Vous avez dit Van Cliburn ?

Van Cliburn (1934–2013) était un pianiste américain de musique classique, célèbre pour avoir remporté le Concours international Tchaïkovski à Moscou en 1958, en pleine Guerre froide. Ce succès spectaculaire a fait de lui une icône culturelle aux États-Unis et un symbole de la puissance artistique occidentale dans un contexte de forte tension politique entre l’Est et l’Ouest. À seulement 23 ans, Cliburn interprète le Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski avec une virtuosité et une émotion telles que même les juges soviétiques, impressionnés, doivent obtenir l’autorisation personnelle de Khrouchtchev pour lui attribuer le premier prix. À son retour aux États-Unis, il est accueilli en héros et défile à New York lors d’une parade — un honneur rarissime pour un musicien classique. On peut écouter son interprétation du Tchaïkovski sur Youtube et voir des images de sa parade sur cette vidéo d’archive :

Pochette de l’album de l’interprétation du premier concerto de Tchaïkovski par Van Cliburn et Kiril Kondrashin.

Un concours à son image

Le Concours international de piano Van Cliburn a été créé en 1962, à Fort Worth, au Texas, en hommage à sa victoire historique de 1958. L’idée derrière ce concours était de prolonger l’élan artistique et diplomatique généré par cet événement, tout en offrant une plateforme durable pour soutenir les jeunes pianistes du monde entier. Le concours a lieu tous les quatre ans (à l’image des Jeux olympiques ou du concours Chopin à Varsovie). Le concours est intégralement filmé (comme celui de Chopin) dans une qualité remarquable, et on peut admirer à chaque tour le talent de ces pianistes de moins de trente ans qui ont déjà tout des professionnels. A vrai dire, la plupart de ces pianistes sont des professionnels, ou quasiment, et ont souvent gagné déjà d’autres concours. Ils viennent ici chercher la gloire de ce concours de plus en plus mythique. Et pour ma part, l’un des plus intéressants par la qualité et la diversité des candidats, du répertoire (pas que du Chopin…) et de la qualité des concerts live.

La légende Yunchan Lim

Yunchan Lim est un pianiste sud-coréen né le 20 mars 2004 à Siheung, en Corée du Sud. Il a commencé le piano à l’âge de 7 ans et a rapidement intégré l’Académie de musique du Centre des arts de Séoul. Après de belles places à des concours majeurs, Yunchan Lim connaît la consécration internationale en juin 2022, lorsqu’il remporte la médaille d’or du Van Cliburn à l’âge de 18 ans, devenant ainsi le plus jeune lauréat de l’histoire de cette compétition. Son interprétation du Concerto pour piano n°3 de Rachmaninoff est déjà légendaire (bien qu’interprétée pendant le concours), et cumule le plus de vue pour ce morceau sur Youtube, le terrain de référence pour tous les amateurs du monde entier.

Pour ma part, ce sont les études transcendentales de Liszt qui m’ont complètement happées, et sont entrée au Panthéon des interprétations de cette oeuvre titanesque. Qui, aujourd’hui, est capable de jouer ces 12 études d’une virtuosité extrême, mais aussi d’une inéffable poésie, en public, et en concours ? Yunchan l’a fait (ici), en demi-finale, et à 18 ans seulement. Il a pris le risque (payant) de se focaliser sur une seule « oeuvre » pour ce tour. Il a dominé le concours. Le youtubeur ToneBase (et son auteur Ben Laude) s’est pris de passion pour Yunchan et a dédié une avalanche de vidéos qui décortique le phénomène. Je recommande, à piocher dans cette liste.

Et cette année ?

Eh bien, ce n’est pas terminé ! mais on se régale des vidéos postées par la chaine officielle, et bien rangées par playlist (une par tour). Idéal pour suivre le concours sur un autre fuseau horaire, et se faire son petit pronostique. Des Gaspard de la Nuit en veux-tu en voilà, du Prokofiev qui martelle, du Liszt qui fuse… L’overdose ? Oui. Mais à chaque candidat qui passe, un récital de toute première qualité, et des personnalités qui s’affirment. On fait la fine bouche, et on voit, on entend, ce qui fait la différence entre une interprétation et une autre. Un régal.

Les vidéos enregistrées et disponible sur la page Youtube de Van Cliburn. Les demi-finales se composent d’un récital d’une heure et d’un concerto pour piano de Mozart.

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