S’il y a bien un service public disponible quasiment partout et que je fréquente régulièrement, ce sont les bibliothèques.

Lorsque j’habitais à Paris, j’avais la chance d’avoir pour plus proche bibliothèque celle du 18ème arrondissement, Vaclav Havel, qui est un modèle actif de ce que peut offrir une bibliothèque d’aujourd’hui. Jugez plutôt : plus de 7000 mangas, une collection et une salle de jeux vidéos, une salle informatique, une présence active sur les réseaux sociaux, une médiation numérique, une médiation sociale, de l’accueil aux migrants, des animations jeunesses… en plus des services traditionnels d’emprunt et de consultation de livres et revues, dans lesquels on a tendance à enfermer le rôle de la bibliothèque.

Parmi les animations pour adulte par exemple, Vaclav Havel offre un atelier de conversation en français, décrit par cette vidéo, et dont je parle dans cet article. Si ces activités témoignent d’une grande diversité et d’un rôle de proximité et d’accueil de tous les publics (qui n’est d’ailleurs pas sans un certain nombre de difficultés), je ne veux surtout pas les cantonner à cette seule bibliothèque, car je les ai retrouvées dans un grand nombre d’autres au cours de mes voyages.

Je n’ai pas fréquenté Vaclav Havel autant que j’aurai voulu (pour des questions d’horaire, j’y reviendrai), mais je n’ai jamais cessé de fréquenter les bibliothèques d’un point de vue général, pour les raisons suivantes :

  • Etudier : toutes les bibliothèques disposent d’une salle d’étude, où le silence est d’or, et Internet est… disponible. J’adore la Bibliothèque publique d’information de Paris à cette fin, où l’espace de travail est géant, sans que cela perturbe la concentration (elle se trouve dans le Centre Pompidou dont la structure de l’édifice se trouve à l’extérieur du bâtiment et libère l’intérieur de tout mur ou pilier, ce qui augmente l’espace utile). J’ai également travaillé dans la bibliothèque de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, lorsqu’on y trouve une place parmi les nombreux lycéens qui y révisent leurs cours (c’est nettement moins calme d’ailleurs là-bas). A Ljubljana, la médiathèque de l’Institut Français, par son confinement et son calme et sa vue sur le château est un véritable cocon.
  • Lire : je ne vais pas faire dans l’original, mais j’emprunte souvent des livres. Je lis aussi sur place des magazines ou des journaux dont un seul article m’intéresse et que je ne me serai pas mis à acheter. A la Calgary Public Library, je pouvais rendre les livres que j’empruntais dans la bibliothèque centrale dans ma bibliothèque locale ; et je pouvais me les faire livrer dans la bibliothèque locale s’ils se trouvaient dans un autre bâtiment, j’aimais beaucoup ce service. Au final j’allais principalement dans la bibliothèque centrale car je l’adorais, sur ces 6 étages (je crois), avec une chaîne de thé/café bien placée à l’entrée. J’ai toujours apprécié cette décontraction anglo-saxonne : non seulement il n’est pas interdit de consommer à boire et à manger à sa table, mais en plus on y est presque encouragés !
  • Me former : lorsque le rayon existe, je parcours très en détail les ouvrages informatiques. Les parutions récentes permettent de me tenir à jour de ce qui se fait, et des livres spécialisés me permettent de creuser certains sujets. J’ai beaucoup aimé la Bibliothèque technique de Ljubljana à cette fin. En plus d’espaces d’études, les ouvrages de la bibliothèque reflètent la dimension universitaire de la ville.
  • Me documenter : maintenant que je suis nomade, il est fréquent que je connaisse assez peu la ville qui m’accueille temporairement. Je me sers de la bibliothèque comme une sorte d’office de tourisme (que je visite aussi parfois), mais dont les informations sont beaucoup plus fraîches, puisque adressées à un public local et fidèle. Sur un volet plus spécialisé, j’allais à la fantastique Bibliothèque Clignancourt de la Sorbonne à Paris, pour y trouver des ouvrages musicologiques de leur fonds très bien fourni.
  • Rencontrer des gens : j’ai déjà parlé de l’atelier de conversation Vaclav Havel, qui est un bon exemple. A Epernay, je participe aux ateliers numériques, et à Ljubljana j’y rejoignais le club de lecture francophone. Je me propose souvent comme bénévole, qui sont en France 82 000 à graviter autour de ces lieux !
L’atrium de la bibliothèque centrale de Toronto (Reference Library), rue Younge. Image Credit: Courtesy of Moriyama & Teshima Architects Source.

Si ce sont les activités que je pratique le plus, ce serait passer sous silence que je les visite aussi pour le plaisir : avouons qu’elles sont toujours bien placées, et souvent une œuvre architecturale en soi comme celles de Londres (London British Library), Toronto, Vancouver ou celles que je rêve de voir à Helsinki et Tenerife qui est ouverte 24h sur 24 tous les jours de l’année.

J’ai aussi occasionnellement profité d’autres activités autour des bibliothèques : j’ai codé au Fab Lab du Carrefour Numérique à La Villette, emprunté une liseuse numérique à Vaclav Havel pour lire lors de ma traversée de la France à vélo, joué du piano dans les piano rooms de la bibliothèque de Toronto, assisté à une exposition à la bibliothèque de l’Institut Henri Poincaré (dont je parle dans cet article) et écouté de la musique et consulté des partitions à la Médiathèque musicale de Paris lors de mes studieuses années de musicologie.

Le numérique a aujourd’hui une belle part dans ces institutions, et je suis sensible aux missions qui les amène en particuliers à deux publics : celui des enfants, que la bibliothèque aborde autrement qu’en les laissant jouer sans contrôle notamment en l’association à la création ; et des personnes âgées et adultes en général qui sont souvent exclus face au numérique qui « envahit » la société. Qui d’autres aujourd’hui adresse aussi efficacement ces problématiques ?

Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours trouvé les bibliothèques anglo-saxonnes beaucoup plus ouvertes et proches des publics que les bibliothèques françaises. Cette sensation disparaît immédiatement une fois pénétré dans le bâtiment, mais l’aura dont dispose ces premières rendent leur fréquentation comme plus évidente, plus naturelle. L’effet premier est sans doute l’amplitude des heures d’ouverture, d’ailleurs ciblée dans le rapport d’Erik Orsenna et de Noël Corbin soumis en 2018 au ministère de la Culture ; le second est peut-être l’image historique des bibliothèques en France comme lieu d’érudition et d’élitisme qui leur colle à la peau. L’accès à tous les publics représente une part importante de ce même rapport. Et ce n’est pas la demande qui manque, du moins à Paris, où la BPI est saturée (d’ailleurs il existe une webcam pour anticiper la queue à l’entrée…) et la Cité des Sciences aussi. Venir trop tard c’est s’assurer de ne pas entrer (des affiches interdisent de travailler par terre, c’est dire la demande !).

Je rapproche parfois la mission des bibliothèques à celle des espaces de co-working qui pullulent sur tous les continents. Les bibliothèques sont peut-être devenues les premiers espaces de co-working. Cependant, si je ne les utilise pas régulièrement à cette fin c’est principalement pour deux raisons : l’amplitude des horaires n’est pas tout à fait compatible avec des heures de travail, et la qualité d’Internet est souvent insuffisante. Et peut-être aussi une troisième : j’y trouve trop de prétextes à diversion ! Néanmoins, elles sont véritablement des lieux d’étude et de travail.

En plus du rapport d’Erik Orsenna, intéressant à lire même du grand public, je  recommande l’exceptionnel documentaire de Frederick Wiseman, qui montre, sans commentaires, le fonctionnement de la gigantesque New York Public Library. Le film s’appelle Ex Libris: The New York Public Library (et dure 3h18). Il exprime au mieux, certes dans un écrin surdimensionné, ce que peut être une bibliothèque aujourd’hui.

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