De passage dans la région, je me suis précipité au festival international de piano de La Roque d’Anthéron. C’est un festival que j’ai beaucoup fréquenté, et que tout amateur de piano se doit de connaître au moins par un concert sur la grande salle qu’est la scène du parc du château de Florans. C’est une scène montée sur un étang, surplombée d’une grande conque où se suspendent des dizaines de grands panneaux réflecteurs acoustiques. Spatial.

Dans le passé, j’ai eu l’occasion d’y œuvrer en tant que bénévole quatre année de suite. En y revenant cette année je retrouve avec nostalgie un petit bout de cette vie estivale, isolée dans l’espace et le temps, baignée dans la musique pour piano.

Au programme, ces samedi et dimanche, une belle part à la Russie avec les pianistes Boris Berezovsky et un programme en intégralité consacré à la musique de son pays : Balakirev, Lyadov, Scriabine et Rachmaninov ; et Nikolaï Lugansky avec un programme plus varié en première partie avec des œuvres de Debussy et Chopin et en deuxième partie Scriabine et Rachmaninov.

Écouter ces deux grands pianistes est toujours une vraie chance, et je ne vais pas me priver de sinon les comparer, de les mettre en parallèle. D’autant que certains préludes de Rachmaninov furent joués par les deux pianistes.

J’ai aimé le programme varié de Berezovsky qui défend ces compositeurs rarement joués que sont Balakirev et Lyadov, dans des miniatures très bien interprétées, et parfois très exigeantes (Balakirev). En revanche il faut dire qu’elles restent selon moi moins intéressantes que les pièces de Scriabine et Rachmaninov choisies. Berezovsky a un jeu bien tranché, acéré, particulièrement vif en particulier dans les passages les plus difficiles, un peu à l’image de Rachmaninov lui-même dans des enregistrements qui nous sont parvenus. A la toute fin du programme, à l’issue de la seule longue œuvre, la deuxième sonate de Rachmaninov, nous avons la sensation d’avoir fait un long voyage en Russie (24 pièces tout de même !).

Nikolaï Lugansky a fait plutôt le choix de tubes (Clair de lune de Debussy, Barcarolle et 4ème ballade de Chopin) dans un programme très équilibré. Le choix d’un piano au son beaucoup plus souple, un jeu beaucoup plus rond jusqu’à même son entrée en scène démontrent une approche de la musique radicalement différente. Beaucoup plus doux, y compris dans les nuances très fortes, Lugansky offre une lecture de la musique russe plus romantique. Ses rubatos dans Chopin n’étaient toutefois pas tout à fait à mon goût, trahissant le rythme chaloupé que devraient avoir les deux œuvres choisies (barcarolle, ballade). Dans Rachmaninov il est toujours aussi magistral et parfaitement maître de ses moyens. J’aurais aimé qu’il interprète la deuxième sonate, que son confrère a quelque peu expédié la veille dans un troisième mouvement plein de petites… surprises.

Au final, deux pianistes bien différents mais tous deux de première classe. Boris Berezovsky est un tsar, le piano est son empire. Nikolaï Lugansky est un prince, le piano est son jardin.

 

Programme de Boris Berezovsky le 4 août 2018 (je crois qu’il n’a pas joué le Medtner)

​Balakirev – ​Liadov – ​Medtner – Scriabine – Rachmaninov

Balakirev : Mazurkas n°5 et n°4, Scherzo n°2
Balakirev : Nocturne n°1, Islamey
Liadov : Barcarolle opus 44, Mazurka opus 57 n°3
Liadov : Préludes opus 11 n°1, opus 46 n°3, opus 13 n°2, opus 10 n°1
Medtner : Dixième Sonate en la mineur, opus 38 n°1 “Reminiscenza”
Scriabine : Études opus 42, extraits (n°3, 4, 5)
Scriabine : Trois Études opus 65
Rachmaninov : Préludes opus 32 n°6, 7, 9, 11, 13
Rachmaninov : Sonate n°2 en si bémol mineur opus 36

 

Programme de Nikolaï Lugansky le 5 août 2018

Debussy – Chopin – ​Scriabine – Rachmaninov

Debussy : Suite bergamasque
Debussy : L’Isle joyeuse
Chopin : Barcarolle en fa dièse majeur opus 60
Chopin : Ballade n°4 en fa mineur opus 52
Scriabine : Sonate-fantaisie n°2 en sol dièse mineur opus 19
Rachmaninov : Préludes opus 32, extraits

 

Photo CGremiot

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