Benjamin Grosvenor s’est produit hier soir (lundi 2 février 2015) à la salle Gaveau. Je l’avais déjà entendu il y a quelques années au festival Chopin au parc des Bagatelles. A l’époque j’étais convaincu qu’il n’était pas à son niveau, notamment par des conditions relativement difficiles (arrêtons de faire jouer des pianistes dans des serres !), en ouverture de festival. J’ai bien fait d’insister !
Grosvenor s’est fait connaître en 2004 grâce à la compétition de la BBC pour les jeunes musiciens. Il a déployé une sensibilité à fleur de peau, d’un naturel et d’une maturité extrêmement rare en piano (et difficile à atteindre dans une carrière). Il avait 11 ans…
Par chance, ce miracle est encore disponible sur Youtube :
La suite en la de Rameau qui ouvrait le récital était tout à fait dans le style français, avec une ornementation d’une rare précision, et sens mélodique tout à fait hors du commun. Celui-ci est le fondement du jeu de Grosvenor, et le reste du récital l’a prouvé. Sur Rameau, et dans le baroque en général, il est très réactif et serre à l’extrême les doubles-croches, créant un jeu assez nerveux. C’était un défaut à Bagatelle (dans la 4ème Partita de Bach), mais ici rééquilibré par l’inventivité de Grosvenor dans la conduite des voix (j’ignorais tous ces éléments à la main gauche, et les jeux de réponses entre les voix, je soupçonne des arrangements, ou autres versions).
La Chaconne de Bach-Busoni a confirmé la délicatesse et la clarté de son jeu, ainsi que le sens de la mélodie dans le contrpoint ; et mis en évidence un autre de ses talents exceptionnel : le contraste. Lorsqu’un pianissimo (tout en mélodie) est aussi subtil et rêveur, et qu’il contraste à des octaves tonitruants, l’effet est magistral. De la grande musique en somme.
Pour une fois, le Chopin n’est ni trop long ni trop uniforme grâce à une excellente composition de programme : la barcarolle, un nocturne, une mazurka et la troisième ballade. Dans la virtuosité, jamais la mélodie n’est sacrifiée, et le raffinement de son rubato ne compromets pas pour autant le rythme sous-tendu. Dans chaque phrase Grosvenor nous emmène quelque part, de la manière la plus belle qui soit.
Les Goyescas terminaient le récital. Ces oeuvres mettent parfaitement en valeur le jeu de Grosvenor : des mélodies pures, un rythme discursif, des contrastes puissants et une harmonie subtile. Benjamin Grosvenor sublime ces pages et nous emène dans le merveilleux.
A écouter absolument !