J’ai regardé récemment le documentaire de Samuel Durand, Work in Progress, après en avoir suivi sa conception via la newsletter « Billet du futur » de Samuel, très intéressante au demeurant. J’aimerais à travers cet article y apporter mon petit commentaire.
Le documentaire montre Samuel parcourir le monde à la rencontre de profils inspirants qui bousculent la conception du travail et du rapport que l’on a au travail d’une manière générale.
Le ton général est une relative opposition entre « l’entreprise traditionnelle » et le « futur du travail », avec une conclusion centrée sur la notion du collectif. Et c’est justement sur ce point que j’aimerais revenir. Souvent, le mode d’organisation et de management de l’entreprise traditionnelle pousse des jeunes professionnels à s’en séparer et tracer une voie qui leur est propre. Et comme le souligne la nomade Lauren Carey, la solitude est une composante importante de son mode de vie. Cette solitude géographique a son penchant intellectuel avec l’indépendance (freelancing). D’ailleurs le mot français a une petite connotation « tu vas être seul », là où le mot anglais dit plutôt « tu vas être libre », solitude et libertés étant intimement liées.
Or justement, l’entreprise traditionnelle, malgré son évolution très bien analysée par Laetitia Vitaud qui ouvre admirablement ce documentaire, est un modèle « collectiviste ». En cela elle semble répondre déjà à la question posée à la fin du documentaire : à quoi va ressembler le travail du futur (ils répondent tous : il sera collectif). Si les fablabs, espaces de coworking et autres communautés en ligne qui sont des emblèmes du futur du travail sont une forme d’entreprise collective (entreprise à prendre ici au sens large), ils mettent alors en évidence le fond du sujet qui est plutôt l’autonomisation des travailleurs. Autonomisation géographique (digitial nomadisme) et intellectuelle (Internet, ordinateur portable, type de tâches…). Et c’est ce manque d’autonomie qu’on associe entre autres aux entreprises.
Ainsi, l’opposition de l’entreprise traditionnelle et du futur du travail s’estompe, l’un et l’autre se complétant. Par exemple, l’holacratie est une méthode de gouvernance qui donne une autonomisation des travailleurs (sans indépendance). On se référera utilement au livre Liberté et Compagnie ainsi qu’au documentaire Le bonheur au travail, qui abordent ce sujet.
Par cette remarque je ne remets pas en cause l’argumentaire très pertinent de Work in Progress, mais la tendance sous-jacente à l’opposer à une sorte d’épouvantail que serait l’entreprise. Par exemple, Joriam Ramos, membre de la communauté Enspiral, a reçu un soutien des membres impressionnant et exemplaire, qu’il partage avec émotion. Ce soutien est propre à toute communauté (saine), y compris celle présente dans une entreprise.
Les belles initiatives d’espaces de travail partagé et de communautés d’entraide physiques ou virtuelles sont une forme d’entreprise. L’entreprise de demain ?
Je suis quand même fier de faire un petit caméo dans ce documentaire, à travers un message Slack de la communauté Remotive.io, que Rodolphe, son fondateur, parcours lors d’un bref plan (voir image ci-dessus). Moi-même adepte du télétravail et des pratiques du « Future of Work », et manager d’une équipe dispersée dans sept pays, je reste toujours très attentifs aux pratiques et aux évolutions du travail.