Ce sont dans mes attributions de gérer une équipe de développeurs à distance, et venant d’une expérience en open-space de plus de 10 ans dans 5 entreprises et 3 pays différents, une mise au point paraît nécessaire.

La fièvre du travail à distance (remote)

Ces derniers temps, une petite partie des développeurs (mais pas que) s’intéresse à ce mode de travail qu’est le travail à distance en temps partiel ou à plein temps. Les avantages sont multiples, allant de la recherche d’un équilibre vie personnelle / vie professionnelle, à un gain de productivité. Les inconvénients aussi. J’en conclut souvent qu’un mode de travail n’est pas meilleur qu’un autre, ils séduisent des personnes différentes, et leur mode d’application sont très variables d’un projet à un autre. Un open-space peut être excellent et un télétravail catastrophique, et inversement.

Selon l’enquête Stack Overflow (communauté de développeurs informatique), la culture d’entreprise, la recherche d’un emploi du temps flexible et le travail à distance (35,3%) figurent dans le top 5 des préoccupations.

Un outillage adéquat

Organiser une équipe à distance nécessite d’abord une suite d’outils appropriés. Deux types d’outils doivent attirer l’attention :

  1. Les outils de communication. Ils concernent tous ceux qui permettent d’échanger au quotidien. Derrière se terme se cachent de nombreuses problématiques plus ou moins complexes : communication synchrone ou asynchrone, traçabilité, stockage et recherche des informations communiquées, communication écrite et communication orale, communication non verbale… En pratique c’est d’abord un bon outil de messagerie instantanée (Slack s’impose en entreprise ces derniers temps) et un bon outil d’appel vidéo (Slack aussi, Zoom, Skype).
  2. Les outils de suivi du travail. Il s’agit de savoir qui travaille sur quoi, quels résultats sont fournis, comment les mesurer / évaluer, comment les faire avancer à distance et par équipe. Les outils disponibles ont explosé ces dernières années, et sont de très bonne qualité de mon expérience (même dans leur version gratuite). Dans mes deux projets j’utilise respectivement Trello et Notion.

De manière assez inattendue au premier abord, ce sont les mêmes outils qui sont utilisés dans des équipes sur place et à distance. En développement, il existe depuis longtemps des outils de suivi de code et de tickets basés sur une architecture client/serveur (et donc distribuables), pour des raisons différentes du travail à distance : stockage du code, suivi des correctifs, traçabilité au caractère près… Concernant la communication, nous faisons l’expérience dans notre vie personnelle comme au travail des avancées régulières en terme de communication vidéo et écrite (Whatsapp est presque un nom commun, les appels vidéos sont monnaie courante en famille et entre amis). Un des avantages est d’acquérir plus d’intimité dans un espace qui ne s’y prête pas. La messagerie instantanée remplace les petits billets que les ministres se passent en réunion 🙂 (je crois que les petits billets existent encore).

Dans mon contexte, il s’agit maîtriser, et de s’appuyer sur ces outils en permanence (pas les petits billets). Je ne pense pas que l’outil fait l’échec ou le succès d’une équipe distribuée, en revanche il me paraît impossible de se passer d’outils appropriés à ce mode de travail.

Deux projets différents

Comme je l’ai dit je gère une équipe de développeurs, payés à délivrer du code et à faire évoluer un produit numérique. Mon autre activité concerne une association à but non lucratif. Il faut donc ajouter la dimension du bénévolat, mais elle n’a pas d’impact sur les outils évoqués. Peut-être que faire certaines réunions à distance permet de maintenir actif des personnes qui ne seraient pas prête à se déplacer à chaque fois… ça reste à démontrer. En revanche, elle démultiplie le potentiel de recrutement (le bénévole à l’autre bout de l’Europe n’est plus exclu). Il y a aussi plus de variété dans les pratiques de chacun, avec des préférences pour les outils. Il s’agit de trouver un bon compromis, et de faire adhérer tout le monde aux mêmes outils (sans changer tous les quatre matins car c’est assez chronophage).

La gestion de l’humain

C’est là la principale difficulté du travail à distance, puisque chaque échange n’est pas « naturel », au sens social du terme. Il me paraît plus « naturel » (aucun fondement scientifique, désolé) de demander à quelqu’un comment il va en le croisant dans un couloir ou à la cantine, plutôt que de lui mettre un rendez-vous dans son agenda et de l’appeler avec Zoom… Et ici les alternatives sont rares. Elles existent cependant, et sont plébiscités par la communauté de travailleurs à distance ; j’en cite trois :

  1. Se voir et se parler « en physique » régulièrement. Clairement, ça ne va pas être tous les jours, mais ça ne doit pas être jamais. Les entreprises entièrement à distance aiment se réunir lors de « retraites » une ou deux fois par an.
  2. Structurer et ritualiser les échanges informels. Oui, c’est une contradiction, mais il faut l’affronter. Dans la communauté Remotive.io à laquelle j’appartiens, il existe un club de lecture qui se « réunit » une fois par mois, ainsi qu’un programme d’appairage qui associe deux membres au hasard en les encourageant à s’appeler 30 minutes.
  3. Créer des espaces numériques de non-travail. Les canaux dans les applications de messagerie (un pour le sport, un pour la musique, …) sont les exemples les plus évidents.

Il faut ré-apprendre à se parler, à se connaître et à entretenir un environnement social riche, car ceci n’est plus évident dans ce contexte. En fait, cet environnement est un encouragement à tout rapporter au travail, qui s’accommode mieux de la distribution que nous, les humains.

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