Cela fait 13 ans que je suis développeur et j’ai travaillé pour des entreprises de tailles variables, dans différents pays et sous différents statuts. J’ai en particulier expérimenté l’indépendance et le salariat, deux statuts souvent mis en opposition.

La « liberté » de l’indépendance

Il y a toujours beaucoup de clichés associés à ces statuts. Et il y a notamment cette tendance à associer l’indépendance à la « liberté ». Être indépendant et être libre sont deux choses fondamentalement distinctes selon moi. Le salarié est engagé dans une relation avec son employeur, matérialisée par un contrat. Il peut néanmoins à tout moment rompre ce contrat (unilatéralement) et s’en défaire et à se titre il est libre dans cette relation. L’indépendant choisit ses missions (lorsqu’il y a du choix) et peut ou non les enchaîner ou prendre du temps pour lui. Mais en pratique, les missions tombent un peu n’importe quand, et le loisir de les choisir ou de les refuser est peu souvent applicable : le client peut difficilement attendre, l’indépendant qui voulait prendre une pause (des vacances) peut se voir proposer des missions à tout moment.

La relation au projet

Une grande différence entre le travail en indépendant et celui en salarié est celui du rapport au projet. J’aime parler alors d’inertie. Une mission en indépendant est souvent isolée et ponctuelle. Il faut réaliser un projet dans un temps et un budget cadré (et négocié). Cela a pour effet que la maintenance et le suivi du projet sera exercée (ou pas) par quelqu’un d’autre et peu entraîner un désengagement ou une frustration. En revanche, avoir conscience du temps et du budget apporte un degré de responsabilité plus important, surtout quand on sait la difficulté qu’il est d’évaluer les temps de développement logiciel !

Il existe cependant des missions étendues sur la durée (limitée par la loi) où la différence entre les salariés et les indépendants est ténue. Dans cas il faut dire que financièrement il est plus avantageux d’être indépendant, même après déduction des charges et des avantages similaires que propose l’entreprise. La seule différence étant dans l’unilatéralité de la fin du contrat, le client comme l’indépendant pouvant mettre fin à tout moment au contrat. Cette situation peut être mal vécue pour certains et tout à fait anecdotique pour d’autres. La sensibilité de chacun dirige en général une carrière vers du salariat ou de l’indépendance.

Le « confort » du salariat

L’indépendant étant « livré à soi-même », le salariat peut être vu en contrepartie comme un confort. L’indépendant doit prendre à sa charge toute la partie administrative et commerciale, et bien comprendre tous les mécanismes fiscaux et sociaux qui le cadrent (et Dieu sait leur complexité…). Le confort du salariat est réel mais à relativiser par la difficulté à évoluer et progresser dans un écosystème qui a justement beaucoup d’inertie. Si cette inertie est bénéfique sur de nombreux plans comme les relations au travail, la qualité et la complexité des projets et (parfois) le bien-être ; elle peut être aussi difficile dans les problèmes et difficultés, techniques mais surtout humaines.

Les fois où je suis passé indépendant, j’étais enthousiaste de me savoir jugé et évalué uniquement sur le résultat de mon travail. La relation est plus froide, plus distante et on pourrait dire moins humaine, mais en contrepartie plus professionnelle. Le coût et la nature du travail étant exposé et négocié, il en suit une relation de professionnel à professionnel (que je qualifie parfois avec sarcasme d' »adulte à adulte »). Une des grandes différences, qui peut être appréciable selon le contexte, est l’absence de relation hiérarchique et de manager, qui est parfois conflictuelle ou source de frustration en entreprise.

J’ai remarqué qu’il était plus évident d’apprendre de nouvelles choses en étant indépendant, puisqu’il faut s’adapter à son écosystème, là où au contraire en entreprise on reste plus longtemps sur les mêmes technologies, qui sont du coup pkus approfondies.

Les conditions de travail

L’absence de relation hiérarchique a pour impact direct qu’il ne peut imposer la manière dont est exercé le travail. En fait, c’est une clause négociable, et dans ce contexte de professionnel à professionnel il est plus aisé d' »imposer » ses conditions. C’est la raison pour laquelle les indépendants sont une population qui travaille beaucoup à distance ; et ces télétravailleurs sont nombreux chez les nomades numériques que l’on croise sur Internet. La relation de travail se déroulant uniquement dans le but d’obtenir un résultat, d’une commande en quelque sorte, alors les conditions de travail sont moins rigides. En d’autres termes : « fais comme tu veux, tant que j’ai le résultat escompté ». En pratique, des points précis de rendus et de communication sont détaillés dans le contrat.

Pas le même stress

Être indépendant est à mon avis un peu plus stressant. Pour être plus précis, le stress est différent. Évaluer le temps d’un projet est difficile. Les fins de missions sont particulièrement stressantes car on ne sait pas toujours si ça va rentrer ! Les négociations ne sont pas toujours faciles, et le fait qu’elles puissent échouer jusqu’au dernier moment est aussi stressant. Enfin, ne pas trouver de mission pendant un temps indéterminé, surtout quand les réserves s’amenuisent, provoque du stress. Plus généralement, le stress du travailleur indépendant est beaucoup plus mêlé à sa vie privée, là où le stress du salarié peut être plus facilement contenu au travail (tant qu’il ne dure pas trop).

En conclusion

Pour avoir goûté aux deux modes de travail que sont le salariat et le travail indépendant, voici ce que j’aime dans les deux statuts:

Travailleur indépendant:

  • Une relation plus professionnelle, basée sur un rendu prédéfini
  • Des conditions de travail plus souples
  • Pas d’impact de l’ambiance de travail potentiellement difficile
  • Pas de relation managériale potentiellement conflictuelle
  • Apprendre rapidement des nouvelles technologies

Travailleur salarié:

  • Pas de démarchage et de négociation avant de produire de la valeur (ou disons pas souvent)
  • Une relation plus construite avec son équipe et d’autres personnes dans l’entreprise, un épanouissement sur le long terme
  • Des projets plus complets, complexes et s’inscrivant dans la durée
  • Accès et contribution à une culture d’entreprise

Il serait difficile pour moi de recommander un format ou un autre, ou même de choisir ! J’ai plus souvent été salarié mais j’ai aussi changé d’entreprise plusieurs fois. Mon parcours répond cependant à la question de ce que j’ai préféré jusque là : le salariat. Collaborer à une entreprise par l’apport de mes compétences a été quelque chose pour moi de très constructif. Ce qui m’a manqué le plus en indépendant est la contribution à des projets de plus grande envergure, plus intéressants.

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2 commentaires

  1. Merci pour ton retour d’expérience ! Il y a une autre voie : si tu entreprends toi-même, tu as l’avantage du projet complet, plus approfondi, ainsi que les « avantages » de l’indépendance 🙂 J’aurai du mal je pense à passer d’un projet à l’autre rapidement en faisant des missions en indépendant, j’ai besoin de me plonger vraiment dans un projet…

    1. Oui tu as tout à fait raison ! Je n’ai pas détaillé cette voie car je ne la connais pas assez, mais vu comme tu la décrit c’est peut-etre un bon compromis !

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