Depuis que je suis nomade numérique, j’ai passé la moitié de mon temps en France, c’est à dire dans mon propre pays. Une expérience tout aussi intéressante qu’inattendue.

Lorsque l’on parle des digital nomads, on s’imagine des jeunes à Bali, Lisbonne ou Barcelone. Il y a des raisons pour ça : un bon Internet, un coût de la vie plus bas, une météo clémente, sans parler du potentiel Instagram. Mais aussi la soif du voyage, de l’aventure, et parfois la recherche d’une rupture à une vie urbaine subie.

Je suis en ce moment à Toulon, et j’ai vécu temporairement dans des villages près d’Epernay, d’Alès ou de Pertuis. je mesure mieux ce que la liberté géographique peut signifier. Je ne cherche pas toujours la plage, le soleil ou la piscine. Je cherche l’ailleurs. Et parfois ce n’est pas très loin.

S’installer dans les villages

Faire du nomadisme en France a des avantages que nul autre pays ne peut offrir. La langue et la culture sont acquises, ce qui permet de s’intégrer plus naturellement. Les transports sont familiers, et l’on sait déjà ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire (comme par exemple pourquoi décoller de Paris-Beauvais à 6h30 est une fausse bonne idée). On connaît des gens plus facilement aux quatre coins du pays qu’aux confins du monde, et on peut revenir faire coucou à ses amis et à la famille une fois tous les pas-longtemps. Un confort qui émerveille moins (côté Instagram il faut tout miser sur les filtres) mais qui ouvre aussi plus de possibilités. A Toulon on m’a déjà proposé une mission à partir d’un simple meetup (événements thématiques organisés sur Internet mais ayant lieu en physique), ce qui ne m’arrive pas à l’étranger.

Au port de Toulon

En « nomadant » en France j’ai aussi découvert non pas les petites villes, villages et la ruralité, ce que j’espère beaucoup d’entre nous connaissons déjà, mais ce qu’il en est d’y vivre. On réalise par exemple que les médias nationaux parlent surtout de Paris, les transports publics sont parfois un peu pourris (oui, il faut une voiture), la fête de la musique termine à 23h, Internet sert surtout à lire ses mails selon les débits de connexion et le soir sans la télé on s’ennuie. Ce sont des constats très parisiens je sais, mais je suis parisien. On peut toujours aller voir dans la grande ville du coin (d’ailleurs pour plein de trucs on y est même obligés), mais ça fait rentrer tard et on ne peut pas boire.

Réinvestir la ruralité

Mais dans ce constat je vois aussi un potentiel. La France est un territoire d’une richesse inestimable qui par endroit meurt pourtant à petit feu, des centre-villes jadis prospères s’éteignant inexorablement. Par le développement du travail à distance, des villes et des villages pourraient perdurer, par le retour aux sources des émigrés du travail et par le passage de nomades modernes. Nos proches ont fait le choix de s’installer dans un petit bourg, de retrouver leurs racines ? Plutôt que d’aller les voir en week-end, pourquoi ne pas y aller en semaine, et rester dans les environs quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, s’y installer tout en travaillant.

Mais cela, sans Internet, ce n’est pas possible. Le développement d’Internet reste clé pour déployer ce potentiel, et heureusement cette action est en marche même si elle prend plus de temps qu’elle ne devrait. Les mentalités doivent évoluer également pour laisser plus de place à la qualité de vie qu’à la présence au travail, tout le monde peut y gagner. Il est triste d’entendre dans les plus petites villes ce discours réaliste : « les gens partent, il n’y a plus beaucoup de travail dans la région ». Les métiers du numériques sont les mieux délocalisables et pourtant ils sont le plus souvent fait dans les grandes villes. En s’égrainant ils pourraient contribuer à revitaliser des économies locales, en s’appuyant sur le télétravail.

Les municipalités pourraient s’atteler au problème en facilitant l’installation de travailleurs numérique sur leur commune. Les idées ne manquent pas : faciliter la mise à disposition de bureaux ou de logements (certaines régions comme l’Auvergne l’ont fait), développer un « tourisme d’entreprise », établir des partenariats avec les les entreprises des grandes villes, mettre sur pied des espaces de coworking (ça je le vois beaucoup et j’en profite).

En tant que travailleur nomade, je sais que le plus important c’est le lieu de vie et le lieu de travail, et c’est aussi ce qui est très difficile d’appréhender à distance. C’est sans doute pour ça que les entreprises qui prospèrent respectivement sur ces deux créneaux, Airbnb et WeWork, ont une croissance remarquable. Ils répondent à la demande du particulier, mais leurs intérêts s’éloignent trop souvent d’un projet de développement territorial (c’est pourquoi Airbnb se voit contré par des arrêtés dans certaines villes). Les villes elles-mêmes ont intérêt à développer ces aspects-là, en maîtrisant une offre de logement et de lieu de travail et en les intégrant à un projet territorial. Ceci permettrait par exemple de revenir travailler temporairement dans sa ville d’enfance, tout en faisant tourner les commerces de proximité, en profitant de l’offre de loisir, voire même en s’investissant bénévolement dans une association de quartier dans le cas de retours réguliers.

Le nomadisme numérique offre la possibilité de choisir son cadre de vie. En le désolidarisant du lieu de travail, il devient beaucoup plus ouvert, mais reste contraint à des impératifs d’installation : un toit et une connexion Internet. Mais l’offre de travail (ou plutôt son déclin) local n’est plus un frein pour cette catégorie des travailleurs.

Je continuerai de voyager et de m’installer en France, sans bien sûr abandonner l’étranger qui reste une source de curiosité incomparable. Je n’ai jamais autant profité de la France que par le nomadisme numérique. Me promener dans les vignes champenoises, piquer une tête dans la méditerranée ou marcher dans l’arrière pays aixois après une semaine (ou une journée !) de travail sont des opportunités exceptionnelles, désormais accessibles.

Photo de couverture : au coworking TVT Innovation de Toulon

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3 commentaires

  1. Bel article . Il ne faudrait peut être pas grand chose pour redonner vie à des villes de province : internet avec un bon débit et logement .

  2. Certaines de tes anecdotes m’ont bien faire rire, j’avais l’impression de t’avoir à côté 😀
    J’ai lu récemment un hors série du magazine Kaizen (n°13), sur le nomadisme. Ils parlent de régions rurales qui développent des lieux pour travailleurs nomades / indépendants, avec connexion internet de qualité, hébergement, et selon un fab lab, un potager etc… Ils citent notamment Mutinerie Village dans le Perche qui à l’air sympa, et de nombreux réseaux en ligne que tu dois surement connaitre (zevillage, la cordée…).

    1. Oui la Mutinerie Village est une vraie figure de proue en la matière, ça a l’air super (et j’aime bien le Perche). Des lieux peuvent paraître bien sur le papier aussi car bien subventionné et avec une bonne communication mais néanmoins fermer quelques années après. Le business model reste très compliqué car sur la masse les pratiques ne sont pas encore là, surtout en dehors des grandes villes. Merci pour tes références que je ne connais pas toutes.

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