France 5 a programmé mardi 30 avril 2019 le documentaire Les aventuriers du travail nomade de Delphine Prunault et Hugues Demeude (Ego Productions). Comme il n’est pas fréquent de voir de tels reportages sur le sujet je voudrais contribuer à la réflexion suite au visionnage du documentaire, et du débat qui a suivi.

Le reportage suit six travailleurs qui ont changé de vie :

  • Claire cumule le métier de formatrice et de traiteur.
  • Serge, cadre, télétravaille à domicile plusieurs jours par semaine.
  • Magali, responsable marketing pour une start-up parisienne, travaille depuis Nouméa.
  • Stéphane, digital nomad, travaille au fil des paysages qu’il parcourt en voiture.
  • Aurélie s’est installée en Normandie pour poursuivre son activité de graphiste freelance à distance et démarre en parallèle une activité de fleuriste indépendante.
  • Jérôme, charpentier, a fondé une coopérative d’entrepreneurs en région poitevine.

Le documentaire les suit sur plusieurs mois, ce qui est une bonne approche, car il y a un vrai parcours entre les premiers mois qui se vivent en opposition avec un travail (insatisfaisant) précédent, et les suivants qui inscrivent ce choix de vie dans la durée. On voit d’ailleurs quelques déconvenues, et une vraie difficulté à s’intégrer dans le marché. Elles relèvent d’ailleurs plus souvent du statut de freelance (indépendant) de que du mode de travail nomade.

Car le reportage brosse en effet une grande partie de la diversité des nouvelles méthodes de travail, en anglais regroupées dans l’expression Future of Work : télétravail à temps partiel ou à temps complet, indépendance, slashing (cumul des emplois), flex-office (bureau non attitré), nomadisme… Le « nomade » du titre fait référence à toutes ces pratiques, qui consistent donc à ne pas travail en permanence sur le lieu de travail habituel. S’il est parfois difficile d’assimiler Stéphane l’indépendant qui vit dans son 4×4 en Islande avec Serge en CDI à Vélizy qui télétravaille 2 à 3 jours par semaine, c’est bien en opposition, ou en évolution, avec les pratiques actuelles qu’il faut comprendre ces aventuriers.

L’assimilation des profils est d’autant plus difficile que c’est justement leur unicité qui est remarquable : chacun écrit sa propre histoire et intègre le travail à sa vie professionnelle d’une manière singulière. A ce titre, donc, il n’est pas étonnant que l’indépendance soit le statut de choix. Certains veulent vivre de plusieurs de leurs passions, d’autres aller à leur rythme, ou voyager continuellement, ou passer plus de temps avec la famille, ou retourner vivre dans la nature… Ce sont finalement des rêves qui s’accumulent sur le coin du bureau de l’open-space que finissent par prendre à pleines mains ces travailleurs. Le travail reste au cœur de leur démarche, ce qui souligne un fait important : ce n’est pas la fuite du travail, mais des conditions d’exécution du travail. A l’opposition d’une communauté de retraités en anticipation (voir le mouvement FIRE par exemple), ces personnes continuent de considérer le travail comme une source de revenu essentielle d’une part, et une expression de leur identité d’autre part.

Ces pratiques restent cependant des prémices d’un mouvement de fond. Dans la plupart des cas, ces nomades ont accumulé des économies pour réaliser leur réorientation, financées finalement par un mode de travail traditionnel. De plus, la physionomie des travailleurs est souvent la même, par les âges, le caractère (la prise de risque), le mode de vie (urbain), le niveau de qualification et le type de travail, souvent appartenant aux « métiers de la connaissance » et donc exécutables juste sur Internet avec un ordinateur (le cas de Jérôme faisant exception). A ce titre, tous les métiers sont loin d’être concernés, et les conditions notamment de protection de l’emploi (abordé ni dans le documentaire ni dans le débat) et d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée restent encore à inventer.

Le débat aborde des sujets en complément du reportage. J’aime bien l’antagonisme entre un mode de vie attractif qui fait rêver ce qui n’y ont pas accès ou n’ont pas franchi le pas, et les difficultés qu’il engendre notamment en terme de santé au travail. Le sens est souvent au cœur des discussions.

Le débat fait intervenir :

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2 commentaires

  1. Dommage c’est pas dispo en replay https://www.france.tv/documentaires/societe/960603-les-aventuriers-du-travail-nomade.html 🙁 Tu évoques un point important : la manière de travailler (bureau vs remote) est distincte de la forme contractuelle (salarié, freelance, etc.). Je me rends compte qu’il y a beaucoup d’amalgames et clichés dès qu’on parle de remote. Tout comme remote ne veut pas (à mon sens) nécessairement dire travail à domicile, cela peut être au co-working proche, pour ceux qui apprécie de séparer l’espace personnel du cadre de travail.

    1. Oui ! Et le documentaire fait un peu cet amalgame. Le télétravail souffre d’un manque de définition (qui sera apporté sûrement par la loi). Mais quelque part c’est bon signe, ça veut dire qu’il couvre une large bande de besoins et de situations, qui reflètent selon moi les besoins des travailleurs et des entreprises. A quand un lexique adopté par tous ? (et pourquoi pas en français !)

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