J’étais au début du mois au carnaval de Ptuj, en Slovénie, où, parmi le cortège, d’étranges personnages velus, qui ressemblent à des moutons, envahissent par centaines le cortège. Leur aspect impressionnant se combine avec le son assourdissant de leurs grosses cloches qu’ils agitent alors qu’ils descendent la rue.

Ce personnage est appelé kurent (prononcer courènte) et il est un classique du carnaval. Le célèbre romancier slovène Drago Jančar relate cet évènement dans son roman Aurore Boréale, écrit en 1984, et qui se déroule en 1938. En voici un extrait :

Ces derniers jours, des géants font du tapage en ville. Hier, ils ont déboulé à l’auberge. Ils étaient vêtus de fourrures, de grosses clochettes leur pendaient aux hanches. Ils sautillaient avec fougue et j’étais un peu angoissé quand ils agitaient leurs bâtons hérissés au-dessus de nos têtes. A l’époque du carnaval, ils arrivent de la plaine de la Drave et de Ptuj pour annoncer le retour du printemps. Sans relâche, ils se déchaînent et courent tant et tant que parfois, sous leur masque, ils sont pris de vertige. Alors ils enlèvent leurs énormes masques à cornes. Et ils ressemblent à des animaux antédiluviens avec des corps immenses et des têtes toutes petites. Des visages vigoureux et hâlés. Un foulard couvre leur tête. Ils transpirent et s’envoient de grands verres de vin. Les kurent, ces sombres spectres païens arrivent en ville de leurs champs. Je me dis que de mauvaises pensées mesquines et vraiment dangereuses pouvaient s’agiter dans ces petites têtes cachées sous leur masque de géant terrifiant qui tenait un bâton hérissé dans la main.

(Traduit du Slovène par Andrée Lück Gaye, chez L’Esprit des péninsules, 2005)

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