Ce concert se déroule au grand amphi Binet de l’université Paris Descartes. Le programme est le suivant : l’île des morts de Rachmaninov et la messe « The Armed Man » (l’homme armée) de Karl Jenkins. Le COGE (choeur et orchestre des grandes écoles) investit deux fois par ans les lieux pourtant sous proportionnés pour leurs besoins. Les percussionnistes sont dans les coins et quelques choristes du premier rang doivent se mélanger aux musicien du dernier. Cette formation amatrice de grande ampleur s’attaque souvent à des œuvres grandioses, où éclate la verve d’une jeunesse éternelle.

L’île des morts, poème symphonique de Rachmaninov inspiré du tableau (ci-dessous) d’Arnold Böcklin, est un voyage macabre cadencé par une métrique irrégulière et changeante. Les passages lents et inquiétants mène à un climax furieux par des chemins soumis à la fatale attraction de l’île. L’orchestre est mis à contribution par des dialogues instrumentaux tendus malgré une irrésistible cohésion. Certains thèmes secondaires trahissent certains tubes de Rachmaninov (pour mon grand plaisir).

The Armed Man, sous-titrée A Mass for Peace est une pièce maîtresse de l’oeuvre de Karl Jenkins, compositeur gallois. L’oeuvre fut commandée par les Armureries Royales, le musée de la Tour de Londres, pour célébrer le changement de millénaire. Il est difficile comprendre la véritable finalité du compositeur, tant la structure se veut à la fois universaliste (plusieurs religions invoquées, plusieurs langues) mais prédominée par la messe catholique (qui lui donne son nom et une bonne partie de la musique). Le titre et le sous-titre sont contradictoires. Et si la morale se veut pacifique (par une louange au Seigneur, a cappella), l’ensemble de l’oeuvre est particulièrement guerrière, répondant peut-être à l’impératif du commanditaire. Les multiples religions évoquées ne semblent pas constituer la paix, sinon la guerre, qu’un retour au thème initial semble tragiquement décrire un inévitable recommencement. On en conviendra, jamais une messe pour la paix n’aura été aussi belliqueuse et pessimiste. Ces contradictions fragilisent grandement la structure de l’oeuvre, que la musique ne rattrape pas par un style très « filmique » pour une durée dépassant l’heure. Il est significatif de voir que la vidéo ci-dessous, dirigée par Jenkins lui-même (orchestre du Welsh National Opera), accompagne des images. Certaines idées sont notables, le plus souvent basées sur des rythmes percussifs, des timbres ou des enchevêtrement de voix que l’harmonie ou la structure.

Cela étant dit, il faut non moins l’énorme orchestre et choeur du COGE pour donner vie à ce qui reste tout de même une épopée musicale, offrant une partie remarquable aux percussionnistes. La verve qui éclate dès le premier mouvement ne se tarit pas. L’ensemble déploie une énergie insatiable de la première à la dernière note, dynamitée par l’infatigable chef Simon Proust.

 

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